Samedi au rassemblement pour le climat et contre le tunnel, une jeune femme s'est présentée à moi, pour me faire un beau témoignage. Elle était élève à Duingt en 2000 et elle avait participé à la plantation du grand tilleul aujourd'hui. Sous le tilleul les élèves ont enterré une bouteille avec leurs témoignages sur leur vision du monde. Elle a la larme à l'oeil pour me dire que déjà, ils parlaient d'écologie et que
rien ne s'est arrangé. Après un échange très chaleureux, je lui ai donné mon adresse mail pour qu'elle m'envoie le texte qui est dans la bouteille et un article de presse de l'école.
Dès dimanche, voici le cadeau que j'ai reçu : un joli témoignage de notre jeunesse qui m'emplit d'espérance.
Bonjour Janie,
Voici comme promis en pièce jointe les
documents que j'ai retrouvés sur "l'arbre de l'an 2000". Comme vous
pourrez le lire, le projet de l'école à cette époque était d'envoyer un
message de fraternité aux générations futures, en leur laissant une
trace de notre mode de vie en l'an 2000, mais aussi de faire de cet
arbre un symbole du respect de la nature et de la lutte contre la
pollution.
Je me souviens justement très bien
avoir appris à l'école, à cette époque-là, que le papier se recyclait.
J'ai d'ailleurs ensuite instauré la pratique dans ma famille, alors que
j'étais la plus jeune du foyer, à 9-10 ans à peine. L'écologie et la
lutte contre le réchauffement climatique étaient donc bien déjà présents
dans les discours du début du siècle.
En 2008,
j'ai quitté le foyer familial Dunois pour les études puis le début de
la vie active. Je suis Centralienne de formation et j'ai eu la chance,
lors de mon parcours, de vivre dans des endroits variés : Lyon, Lille,
Paris, à Waterloo au Canada (à une heure de Toronto), à Antibes, sur la
côté d'Azur.
10 ans plus tard, en 2018, je suis
revenue en Haute-Savoie, à Doussard exactement, trop attachée que
j'étais à "mes" montagnes et "mon" lac. J'ai été très attristée de
constater qu'en 10 ans, rien n'avait vraiment changé de façon drastique
pour lutter contre la pollution : la ligne de bus entre Annecy et
Albertville était toujours aussi peu satisfaisante (pas assez d'horaires
et toujours sans voie propre pour échapper aux bouchons) et le trafic
routier pour aller sur Annecy était loin de s'être résorbé. Au
contraire, il avait plutôt empiré. Pour la première fois de ma vie, j'ai
été contrainte d'acquérir une voiture, à contre-cœur, puisque je
m'efforçais depuis déjà longtemps de vivre de la façon la plus
respectueuse possible de l'environnement. Mais la Haute-Savoie avait
trop d'années de retard en termes de transport en commun pour que je
puisse m'affranchir totalement d'une voiture. Je me demande parfois si
nos élus et décideurs ont déjà été voir ce qu'il se faisait ailleurs.
L'une de mes plus proches amies, qui est Parisienne, n'a eu le permis
que très tard (vers 25 ans). Et elle ne s'en sert quasiment jamais car, à
Paris, elle fait tout en transport en commun ou en vélo. Les Lyonnais
de la même façon préfèrent le vélo sur les quais du Rhône ou prendre le
tram ou le métro, plutôt que de s'embêter avec une voiture qu'il faut
trouver à garer et qui reste coincée dans les bouchons du tunnel de
Fourvière. Lorsque je vivais à Antibes, pour prendre un exemple plus
comparable à Annecy, j'allais au travail à Sophia Antipolis, la célèbre
technopole, en bus. La distance était d'environ 15 km, soit plus que
Duingt-Annecy. Les bus étaient nombreux, réguliers... et étaient donc
toujours plein, victimes de leur succès. Cette région de la côte d'Azur a
des problématiques similaires à la notre : une forte croissance
démographique, beaucoup de tourisme, beaucoup de déplacements domicile -
travail et par conséquent pas mal de bouchons. Pour aller encore plus
loin sur le sujet de la mobilité, la Communauté d'Agglomération Sophia
Antipolis a décidé de mettre en place un BHNS en site propre (http://www.bustramcasa.fr/), qui devrait être inauguré d'ici 2019.
Il
y a une ou deux semaines, alors que je me baladais dans Doussard, j'ai
aperçu une affiche sur la concertation publique concernant le projet de
liaison Ouest du lac d'Annecy. Je me suis intéressée au sujet, sans a
priori, car j'entendais parler d'un tunnel sous le Semnoz depuis
tellement longtemps que je me disais que le projet avait sûrement eu le
temps d'évoluer depuis. Je suis donc aller chercher des informations sur
le site dédié ; vue l'ampleur d'un tel projet et l'impact qu'il peut
avoir sur notre vie à tous, il me semblait normal de me renseigner. Très
vite j'ai été choquée de lire, noir sur blanc, dans la rubrique "La
prise en compte environnementale" : "le projet de liaisons Ouest du lac
d'Annecy sans impact sur la qualité de l'air global". Et effectivement,
en creusant un peu plus, on se rend compte qu'à aucun moment le projet a
pour but de réduire le trafic de voitures.
Comment nos élus et décideurs peuvent-ils autant être hors sujet ?
N'écoutent-ils
pas la même radio que moi ? Ne regardent-il pas la même télévision que
moi ? Ne lisent-ils pas les mêmes journaux que moi ? Ne respirent-ils
pas le même air que moi ?
Comment peut-on oser porter,
aujourd'hui, un projet de mobilité à 350 millions d'euros qui ne
s'inscrive pas dans les objectifs de réduction de pollution et
d'émissions de gaz à effet de serre, sur lesquels tout le monde
s'accorde (les dirigeants, la société civile, les associations, les
scientifiques...)? Comment peut-on penser qu'un projet imaginé il y a
des décennies réponde encore aux enjeux d'aujourd'hui ? Nos élus et
décideurs tiennent le manche de l'épée de Damoclès qui menace nos têtes
et ils s'apprêtent à porter le coup fatal, quand ils pourraient lâcher
l'arme.
Alors, n'hésitez pas à faire de cet
arbre, dans la cour de l'école de Duingt, un symbole de votre combat qui
est aussi le mien, et qui est en fait le combat de chacun d'entre nous,
qu'on en soit conscient ou pas. Rappelez à vos élèves, à nos élus et
décideurs, que déjà en l'an 2000 on se souciait de lutter contre la
pollution. Rappelez- leur que les instituteurs et élèves de l'école de
Duingt de l'an 2000 ont planté cet arbre en symbole de cette lutte et
pour le respect de la nature. Rappelez-leur que notre avenir à tous est
entre leurs mains, et qu'il ne saurait être judicieux à ce stade de se
focaliser sur des bénéfices court-termistes quand la planète risque
d'imploser avant même que les générations futures, à qui notre message
était destiné, ne puissent voir le jour...
Je
vous autorise bien évidemment à diffuser ce mail auprès des personnes
que vous jugerez utiles de sensibiliser à mon discours. Et notamment à
M. Marc Rollin, le maire de Duingt, qui connaît très bien mon père qui
faisait partie de son équipe il y a de cela quelques années, et qui voit
normalement très bien qui je suis. J'ose espérer qu'il saura prendre la
mesure de mes propos et adopter en conséquence une position raisonnée
sur ce projet de liaison Ouest.
Amicalement,
Marjorie Hagnier
Tout est dit. Marjorie, tes paroles me réconfortent et sont une belle leçon pour nos élus. Un beau témoignage de quelqu'un de ta génération, qui est directement impactée par les choix des aînés, lucide parce que tu as voyagé et vu ce qui se fait ailleurs.
Oui nous allons transmettre tout ce que ce beau tilleul doit nous
rappeler chaque jour. Nous allons certainement créer un petit événement
autour de l'arbre au printemps 2020 pour ses 20 ans et on compte sur ta
présence. En attendant le directeur te fera peut être venir pour ses CM
actuels pour témoigner.